La Gauche de tous les pouvoirs -- Une élection ponctuant « la longue marche » des soixante-huitards.
Si François Hollande est élu le 6 mai, devrions-nous assister à la victoire d’une pensée hégémonique, chère à Antonio Gramsci, préparée de longue date par la « pensée unique » et le «
politiquement correct » ? Julien Peyrié, contributeur régulier à Metamag.fr, y verrait l’aboutissement d’une « longue marche » qui aurait fait ses premiers pas en mai 68. Il y a lieu, en effet,
de s’interroger sur certaines convergences apparemment insolites. Ne sommes-nous pas étonnés de trouver chez bon nombre de politiques dits de droite des attitudes, des initiatives, des soutiens à
des actions lancées par des gens dits de gauche ? Nous y voyons de la perversion alors que souvent il n’y a que du « formatage » engagé dès l’université ou à Sciences Po.
Polémia
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Si le 6 mai, François Hollande est élu président de la République et si ce succès est confirmé aux législatives, comme ce serait alors très probable, le « socialisme soixante-huitard » aurait la
main sur tous les pouvoirs. Ce serait l’aboutissement d’une « longue marche ».
La guerre d’Algérie avait entraîné une partie des dirigeants de la SFIO (le parti socialiste du temps) à prendre des positions et des décisions contraires à l’internationalisme –le mondialisme
d’autrefois- toujours revendiqué à l’époque. Certains avaient même sombré dans un soutien sans faille à « l’Algérie française » : Robert Lacoste , par exemple, socialiste de toujours, résistant,
ministre-résident de l’Algérie, dont certaines actions démontraient une grande pugnacité pour le défense du territoire national, François Mitterrand (dirigeant d’un petit parti charnière de
centre-gauche) par certaines de ses déclarations , un général bientôt putschiste comme Raoul Salan , plutôt marqué à gauche, ou encore Guy Mollet, dirigeant de la SFIO accordant sa confiance au
général De Gaulle, au moment de son retour au pouvoir, pour cause de maintien de l’Algérie dans la France et au gouvernement duquel il participa, au début . Le vainqueur possible : Hollande ou
Gramsci ?
Le « Molletisme », par ses ambiguïtés – il négociait derrière le rideau avec les indépendantistes algériens tout en prenant des mesures exceptionnelles pour la défense du territoire - engendra
des dissidences et la création, entre autres, du Parti Socialiste Unifié (PSU) qui fut, pendant longtemps, une boite à idées de la Gauche et de l’Extrême-Gauche réformatrice ou révolutionnaire.
Parallèlement, le Parti Communiste avait aussi ses Jeunes Turcs pour cause d’opposition au stalinisme ou à une présumée mollesse, au moins affichée, dans la lutte contre la souveraineté française
en Algérie. Reproche relativement injuste, car le parti soutenait la cause algérienne par sa presse, ses agents d’influence, voire certains de ses adhérents, et ses courroies de transmission
C’est sur ces bases que se constituèrent les mouvements qui firent mai 1968 et dont les militants, quelques années plus tard, commencèrent à peupler le parti socialiste, refondé à Epinay. Mais
surtout, entrés dans la vie active, ils commencèrent à pénétrer le squelette et le cerveau de la société française. Ces jeunes militants, théoriciens ou hommes d’action, avaient compris que l’on
peut être politiquement un bon socialiste ou un bon communiste, mais avoir des réactions ou des comportements parfaitement conservateurs.
Le gramcisme en action
Ils avaient lu Antonio Gramsci, théoricien communiste italien hétérodoxe des années 1930, qui pensait que l’Etat ne se réduisait pas à un simple appareil politique. Donc, suivant une distinction
capitale, établie par Gramsci, la prise en main de la « société politique », c’est-à-dire l’appareil politique de l’Etat, ne suffit pas et il faut changer, au préalable, les mentalités par un
long travail de termites dans la « société civile », définie comme l’ensemble du secteur privé, c’est-à-dire le système des besoins, la juridiction, l’administration, les corporations et surtout
le domaine intellectuel, religieux et moral. En effet l’Etat, pour diriger, doit organiser le consentement par l’adhésion de la majorité des citoyens à une idéologie implicite reposant sur des
valeurs admises par cette majorité.
Par la culture, les idées, les mœurs, les traditions (au besoin renouvelées), le sens commun, donc par l’activité du pouvoir culturel –qui comprend tout ce qu’énoncé précédemment- par une
hégémonie idéologique, c’est la « pensée unique » ou le "politiquement correct", l’Etat bénéficie d’une adhésion des esprits à une « conception du monde ». C’est par ce travail de fourmis, dont
nous allons vraisemblablement voir l’aboutissement politique dans les prochaines semaines, qu’une minorité idéologique, après avoir capté le pouvoir culturel, va devenir hégémonique.
Si la victoire sourit à François Hollande le 6 mai et aux candidats socialistes au mois de juin, la « Longue Marche » de ces jeunes activistes des années 1950 et 1960, aujourd’hui largement
septuagénaires, et de leurs rejetons, aboutira à une victoire éclatante par la prise en main de tous les pouvoirs politiques et la confirmation de leur hégémonie culturelle. Le Parti Socialiste
détiendra alors la présidence de la République, la présidence de l’Assemblée Nationale, la présidence du Sénat, la majorité des régions, la plupart des grandes villes et une bonne partie des
communes. La Gauche et l’Extrême-Gauche sont déjà hégémoniques dans les syndicats, les médias (la campagne électorale a bien montré de quel côté ils étaient), le cinéma, l’éducation nationale et
bien d’autres centres de pouvoir.
Le pouvoir économique, où ses partisans sont nombreux, suivra. Le gros argent est toujours proche du pouvoir. La victoire sera donc totale. Echec et mat pour ce qu’on appelle la Droite
gestionnaire, largement ralliée par une bonne partie de ses dirigeants, au pouvoir culturel dominant. Le savent-ils seulement ?
Julien Peyrié
Metamag.fr
03/05/2012