Danger d’une loi boomerang
Chronique
hebdomadaire de Philippe Randa
Un projet de loi de plus vient d’être voté. Il propose l’inscription dans le code pénal d’une nouvelle
définition du harcèlement sexuel. Le vote a été acquis à l’unanimité et à main levée. On imagine l’inconscient(e) député(e) qui se serait abstenu(e) et on n’imagine même pas un vote contre. À
moins d’avoir affaire à un kamikaze et ils sont rares parmi les élus de la République.
On ne sait d’ailleurs même pas si l’un(e) de nos élu(e)s a émis(e) la moindre réserve sur ce projet de loi…
En revanche, le plus large écho a été donné à toutes celles et à tous ceux qui regrettent que les peines encourues ne soient pas plus lourdes encore et les cas de définition du harcèlement sexuel
plus nombreux, plus détaillés, plus-ci ou plus ça suivant affinités…
Et j’arrête immédiatement là mes propres réserves sur ce « nouveau texte, qui vient combler le vide laissé par l'abrogation du précédent par le Conseil constitutionnel », afin qu’on ne suppose pas un instant que je
puisse accorder quelques circonstances atténuantes au harcèlement sexuel ou moral sous quelque forme que ce soit. Qui le pourrait d’ailleurs ? À l’exception des saligauds (sexuels) ou pervers
(dominateurs) concernés…
Et qui pourrait également affirmer ou supposer que le harcèlement – sexuel ou moral – n’existe pas… ou
seulement très exceptionnellement ? Qui n’a pas entendu femme ou homme, mais plus généralement les femmes, raconter qu’untel, voisin ou employeur, voir simple collègue de travail, était « lourd »,
voir même « très lourd » et qu’elle avait eu plus ou moins de mal à le « remettre à sa place », à ce « qu’il se tienne tranquille »… voire
à lui signifier de la façon la plus explicite qu’il arrête sur le champs ses allusions salaces ou gestes déplacés à son encontre ?
Et qui pourrait ne pas avoir le plus grand mépris pour le minable qui utilise sa position dominante pour
contraindre de fait, de quelque manière que ce soit, un autre être humain à satisfaire ses volontés ?
Aucun gentilhomme, certes… ni aucune gente dame, insistons pour éviter toute
ambiguïté.
Ceci posé, et ce fameux projet de loi voté, s’est-on posé la question de savoir comment celui-ci pourra
être appliqué et s’il est tout simplement… applicable ? Dans l’absolu, et suivant les quelques lignes qui précèdent, sans doute… Mais dans la réalité ?
Car les bonnes intentions, non seulement ne suffisent pas toujours, mais peuvent également engendrer des
conséquences ubuesques, sinon dramatiques… Soit le contraire du but recherché.
Dans bien des cas, le chantage exercé sera difficile à prouver… Sauf à avoir affaire à un imbécile,
tellement imbu de sa supériorité, pour, au vu de tous, flatter la croupe ou le corsage d’une dame d’une main baladeuse, lui tenir des propos salaces ou s’enfermer avec elle dans une pièce en ne
prenant même pas soin d’accrocher une pancarte « Do not disturb » à la porte… Ce sera alors « parole contre parole »… Et si le gougnafier a déjà tenté d’en contraindre d’autres et que celles-ci
s’entendent pour témoigner qu’il est coutumier du fait, ne pourra-t-il pas prétexter d’une cabale à son encontre ? Et les accuser à son tour de harcèlement, non pas sexuel, mais d’une
quelconque promotion refusée ?
Aux juges de décider… à pile ou face ?
Les récentes affaires politico-sexuelles de l’année 2011 ayant notamment mis en cause Dominique
Strauss-Kahn et Georges Tron en témoignent. Les avis sont partagés. Et pas seulement ceux des justices françaises ou américaines.
Car le harcèlement peut très bien s’appliquer dans un sens comme dans un autre… Tel employé indélicat
désirant une augmentation, un nouveau poste ou un aménagement quelconque de son temps de travail, pourra utiliser cette loi pour exercer un vil chantage… Sans compter les simples cas de jalousie si
le cœur du supérieur hiérarchique bat pour un(e) autre créature…
Et imaginons un(e) harceleur(leuse) homosexuel(le), n’aurait-il(elle) pas tout loisir d’arguer de sa sexualité différente pour s’offusquer de toute accusation, faire pleurer les
éternels autant que sourcilleux contempteurs de toute homophobie, supposée ou réelle, et opposer ainsi une fin de non recevoir à toute accusation à son encontre ? Certes, imaginer qu’un(e)
homosexuel(le) puisse être un(e) salopard(salope) comme le(la) premier(e) hétéro
venu(e) n’est certes pas concevable par tous dans notre actuelle société politiquement correcte… Hypothèse non recevable, pour beaucoup !
Il est donc à craindre que ce projet de loi, pavé de bonnes intentions, soit dans les faits parfaitement
inutiles, et n’ait pour funestes conséquences que d’engorger davantage encore les tribunaux.
Il était tout de même plus simple, plus radical et plus efficace pour une dame importunée de ramener
l’importun à un juste respect de son anatomie et à une plus grande considération de son honneur, au moyen d’une salutaire paire de beignes.
La dame avait alors rarement à démontrer deux fois de suite l’efficacité du procédé, la tranquillité de sa
vertu était assurée, tout le monde y gagnait du temps…
Ça ne résolvait pas tous les cas, bien évidemment, le monde restait imparfait, hélas ! Mais cela ne
s’avérait probablement pas moins efficace que ne le sera le projet de loi voté à l’unanimité de nos élus…
© Philippe Randa est écrivain,
chroniqueur politique et éditeur (www.francephi.com). Ses chroniques sont libres de reproduction à la seule condition que soit indiquée leurs origines,
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