Prix conseillé : | EUR 21,80 |
Prix : | EUR 20,71 |
Viré du Los Angeles Time, Jack McEvoy accepte néanmoins de former durant quinze jours la jeune journaliste qui le
remplacera pour le tiers de son salaire. Il entend surtout mettre à profit ce délai pour sortir une affaire énorme qui ferait regretter son licenciement à ses anciens employeurs. Mais rien ne va
se passer réellement comme prévu.
C'est donc au personnage du journaliste McEvoy qu'échoit le rôle d'animateur du « dernier Connelly », dont les gazettes et les blogs vont bientôt interroger la qualité. L'œuvre
du créateur de Harry Bosch est devenue assez inégale, avec des signes d'essouflement et de redondance. Une des façons de lutter contre une éventuelle lassitude (du romancier comme des lecteurs)
est l'alternance des héros, qui n'offrent évidemment pas le même point de vue sur les affaires qui sont narrées. McEvoy, présent dans l'excellent et ancien Le Poète (1996) retrouve ici
Rachel Walling, autre personnage récurrent.
L'épouvantail est un récit classique de tueur de masse
particulièrement intelligent, invisible dans ses activités criminelles jusqu'au petit détail qui va mettre le ou les héros sur sa piste. Ces histoires sont désormais tellement banales, dans les
romans, les séries ou les films qu'on se demande encore l'intérêt de les produire. C'est maintenant à la marge que se font les différences, dans l'arrière-plan décrit, la personnalité du méchant,
voire l'horreur ou l'originalité de ses crimes.
Pour être sûr de ne rien rater, Connelly court après ces trois lièvres, avec des fortunes diverses pour le lecteur. Le côté machiavélique et retors de Wesley Carver est plutôt intéressant, car il
permet au romancier d'interroger cette vie en réseau dans laquelle nous sommes engagés et qui est le terrain de jeu de L'épouvantail. On pourra juste faire la fine bouche sur le vertige
de la documentation technique qui a saisi, là, l'auteur. Le plus gênant reste cependant le contraste entre la méticulosité du criminel, ses hautes capacités à faire le mal via la technologie et
la relative facilité avec laquelle un amateur – certes épaulé par une brillante agent du Bureau fédéral – peut retrouver sa trace et le mettre à terre. De ce côté, l'intrigue passe par
des raccourcis et des coïncidences parfois difficiles à avaler.
Le versant high-tech avec lequel se confond celui que l'on nomme L'épouvantail a poussé Connelly à ne pas vraiment développer l'humanité du personnage. La relation maître-disciple, qui
aurait pu présenter un intérêt, est restée dans les cartons au titre de simple ébauche. Ancré dans son enfance et révélé in extremis, le devenir meurtrier de Carver m'a semblé relever
d'une psychanalyse de bazar qui donne un désagréable air bâclé au final.
En fait, c'est la partie non criminelle de L'épouvantail qui est, à mes yeux, la plus attrayante. Ancien prix Pulitzer, Connelly aborde la mort de la presse écrite avec une certaine
efficacité descriptive, à défaut de s'interroger toujours correctement sur les causes réelles de ce déclin. La conception du journalisme que défend Connelly/McEvoy porte pourtant en elle
quelques-unes des réponses.
Avec une amorce plutôt réussie et un final accéléré comme les aime Connelly, L'épouvantail illustre assez bien le proverbe « qui trop embrasse mal étreint ». Il laisse le
lecteur devant un roman acceptable, mais plutôt superficiel, qu'on distinguera mal du reste de la production actuelle.
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