Après vous avoir proposé il y a
quelques jours un article de Hilary White sur la manière la plus rapide de perdre le combat contre le « mariage » homosexuel, je crois utile de traduire cette fois un
autre article de cette journaliste, correspondante de LifeSite à Rome : il est
fondamental pour comprendre les vrais enjeux d’une lutte qui est loin d’être finie. – J.S.
On m’a demandé récemment ce qu’est l’« homosexualisme ». C’est un terme que
j’ai commencé à utiliser dans mes articles à propos de ces questions il y a quelques années, lorsqu’il est devenu évident que nous avions à faire non à un groupe de personnes, mais par
une idéologie spécifique dont les tenants sont souvent des personnes qui ne sont pas homosexuelles.
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Peter Tatchell lors d'une
manif anti-pape
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Il y a quelques jours dans le Guardian, Peter Tatchell a bien décrit non seulement les buts de cette
idéologie, mais ses origines. C’est cette idéologie politique,
volontiers appelée la « théorie queer » par ses partisans dans le monde universitaire, qui est promue, désormais de manière assez ouverte, par le mouvement pour les
« droits gays ». Elle vise à réécrire les concepts fondateurs de notre société tout entière. Je prédis qu’il ne faudra plus beaucoup de temps avant que la prétendue lutte pour
l’« égalité » soit abandonnée : elle aura atteint son but.
Bien des gens se grattent la tête en se demandant comment nous avons tout d’un coup
pu en arriver au point où deux hommes peuvent être « mariés », où une femme peut être appelée « mari » et un homme, « épouse », où les enfants ne sont plus
qu’une monnaie d’échange politique dans les guerres d’adoption, alors qu’il nous semble qu’hier encore on ne parlait que d’égalité de droits. Depuis quand l’« égalité des
droits » signifie-t-elle la déconstruction, le démantèlement de ces concepts sociaux fondateurs ?
Si nous les écoutons attentivement, cependant, les activistes eux-mêmes ont commencé
à fournir eux-mêmes une explication en termes suffisamment clairs. Il n’a jamais été question pour eux d’obtenir « l’égalité de droits » mais la réécriture de l’ensemble de notre
ordre social. Le mouvement pour les « droits gays » a toujours été, Peter Tatchell le dit lui-même, « révolutionnaire et non réformiste ».
D’autres ont mis en évidence les origines marxistes de la révolution sexuelle dans
son ensemble, et il est clair que l’explosion subite de l’homosexualisme n’est que l’étape suivante logique d’un programme systématique. Proche cousin du féminisme radical, petit-enfant
du marxisme, l’homosexualisme s’est développé sur le terreau du pseudo-champ politico-académique des « études du genre » – gender studies — et a été imposé depuis 30 ou 40 ans à un public qui dans l’ensemble n’en voulait pas, à travers des lois
anti-discrimination ou égalitaires, grâce à une coalition de lobbyistes, d’ONG et d’hommes politiques à l’extrême gauche, et dans des cercles internationaux de plus en plus
puissants.
Peter Tatchell est un homosexualiste britannique de premier plan : cela signifie
qu’il est un promoteur une idéologie politique et sociale spécifique qu’il veut voir adoptée en Grande-Bretagne et ailleurs. Il est également un homme homosexuel : cela veut dire
qu’il ressent une attraction sexuelle vis-à-vis d’autres hommes, une condition dont l’origine fait encore débat parmi les médecins, les psychiatres et les généticiens. Les deux choses
ne sont pas identiques. C’est un fait qui tend à échapper à bien des gens qui lisent ou qui écrivent à propos des guerres culturelles, spécialement dans leur manifestation actuelle qui
semble s’être focalisée totalement sur l’homosexualité. Tous les homosexuels ne sont pas des homosexualistes, et tous les homosexualistes ne sont pas des homosexuels.
L’article de Tatchell dans le Guardian rendait hommage à un document bâti en 1971 par ce qu’il décrit comme un collectif d’« anarchistes, de hippies, de
gauchistes, féministes, libéraux et tenants de la contre-culture », afin de faire surgir une « révolution de l’état de conscience ». Il qualifiait le Manifeste
du Gay Liberation Front de « programme pionnier en vue de la transformation sociale et personnelle » dont la
première proposition affirmait que « subvertir la suprématie de la masculinité hétérosexuelle était la clef de la véritable libération ». Tatchell raconte que ce livre-là a
changé sa vie.
Le Manifeste résume tout, explique-t-il, en « remettant en question (…)
l’homophobie, le sexisme, le mariage, la famille nucléaire, la monogamie, le culte de la jeunesse et de la beauté, le patriarcat, le ghetto gay et les rôles de genre féminins et
masculins rigides »… tout ce que charrie la révolution sexuelle.
Le Manifeste lui-même est sans ambages lorsqu’il s’agit d’identifier les principaux
ennemis à abattre : « L’oppression des gens gays commence dans l’élément le plus basique de la société, la famille. »
« Elle consiste en l’homme qui la dirige, d’une esclave qui lui sert de femme,
et de leurs enfants auxquels ils imposent de force leur propre image en tant que modèles idéaux. La forme même de la famille travaille contre l’homosexualité. »
De la manière la plus révélatrice, le Manifeste affirme que la « réforme »,
à savoir l’« égalité », ne suffira jamais ; ce qu’il faut, c’est une révolution sociale totale, un réordonnancement complet de la civilisation. La réforme, dit-il, « ne
peut pas modifier l’attitude profondément ancrée chez les hétéros pour qui l’homosexualité reste au mieux inférieure à leur propre style de vie, et constitue au pire une perversion
répugnante. Il faudra davantage que des réformes pour changer cette attitude, car elle est enracinée dans l’institution la plus basique de notre société : la Famille
Patriarcale. »
Loin d’être « la source de notre bonheur et de notre bien-être »,
poursuit-il, la famille est l’« élément » oppresseur où l’« homme dominant et la femme soumise » enseignent aux enfants de « fausses croyances » sur les
« rôles de genre » traditionnels « presque avant de savoir parler ».
Le concept central de l’idéologie du genre est ici exposé : il n’y a « pas
de différence démontrée entre mâle et femelle, hormis les différences biologiques évidentes ». Les appareils génitaux et les systèmes reproducteurs des femmes sont différents,
ainsi que certaines autres caractéristiques physiques, mais toutes les différences de tempérament, les aptitudes, etc., sont le résultat de l’éducation et de la pression sociale. Elles
ne sont pas innées. »
« Les êtres humains pourraient être bien plus variés que ne le permettent nos
schémas étriqués du masculin et du masculin – nous devrions avoir la liberté de nous développer avec une bien plus grande individualité. »
« Notre société tout entière », poursuit le Manifeste, « est
construite autour de la famille patriarcale et sa sanctuarisation de ces rôles masculins et féminins. La religion, l’art moralisateur populaire, la littérature et le sport renforcent
tous ces stéréotypes. En d’autres termes, cette société est une société sexiste, où le sexe biologique détermine quasiment tout ce que l’on fait et la manière de le faire ; une
situation où les hommes sont privilégiés, où les femmes ne sont que les assistantes des hommes, de simples objets à leur usage, à la fois sur le plan sexuel et sur les autres
plans. »
C’est cela qu’il s’agit de renverser, d’éradiquer entièrement, avant de pouvoir
mettre en place la véritable liberté que nous méritons tous.
On n’a pas besoin
d’un diplôme en science politique pour reconnaître l’origine de ce type de langage : brisez vos chaînes, camarades ! Il suffit de fouiller un peu pour arriver aux véritables
origines du Gay Liberation Manifesto dans les écrits des premiers marxistes : dans ce cas précis, Friedrich
Engels, auteur d’un document qui décrit ce que la plupart d’entre nous appelons la famille traditionnelle en des termes presque identiques à ceux du Manifeste.
Engels parlait du « mariage monogame » et expliquait qu’il existe
« non en tant que réconciliation de l’homme et de la femme, encore moins comme la forme la plus haute de cette réconciliation ». Bien au contraire. Le mariage monogame fait
son entrée en scène comme moyen d’un sexe pour subjuguer l’autre ; il annonce une lutte entre les sexes inconnue pendant l’ensemble de la période préhistorique qui l’a
précédé. »
« La première opposition de classe apparue dans l’histoire coïncide avec le
développement de l’antagonisme entre l’homme et la femme au sein du mariage monogame, et la première oppression de classe coïncide avec l’oppression du sexe féminin par le
masculin. »
« La famille moderne individuelle est fondée sur l’esclavage ouvert ou occulte
de la femme, et la société moderne est une masse composée de ces familles individuelles qui sont ses molécules. » La solution d’Engels, bien évidemment, nous la connaissons
déjà.
Le Manifeste de Libération Gay, tout comme l’œuvre d’Engels avant lui, affirme qu’une
fois rejetées les antiques entraves de « l’hétérosexisme, du privilège des mâles et de la tyrannie des rôles de genre traditionnels », nous allons tous pouvoir vivre dans une
glorieuse et radieuse « nouvelle démocratie sexuelle » d’où « la honte érotique et la culpabilité seraient bannies ». Cela renvoie, en pratique, plus ou moins à ce
que nous avons désormais : tout le monde peut coucher avec n’importe qui, et personne n’obtient de droit sur autrui sur le long terme, que ce soit dans le mariage ou comme
parents.
Maintenant que la boule de neige du « mariage gay » a démarré, les
promoteurs de l’idéologie n’ont plus que quelques opérations de nettoyage à faire. La pression s’exerce déjà pour élargir la définition éclatée du mariage afin de pouvoir inclure des
partenaires multiples de chaque sexe et de légaliser et d’accepter la pédophilie – en tant qu’expression des « droits » des enfants.
Mais comme pour toutes les utopies, la grande faiblesse de l’homosexualisme réside
dans son incapacité à considérer la nature humaine dans sa totalité. Il propose essentiellement un état permanent d’adolescence jouisseur, et pour les adolescents jouisseurs, cela
paraît valoir le coup. Mangez tous les gâteaux que vous voulez, au petit-déjeuner, au déjeuner et au dîner, et ne grossissez jamais.
Hélas, depuis les années 1960, la plupart d’entre nous avons été élevés dans l’idée
que ce programme était au cœur du sens de la liberté et que sa mise en œuvre était tout le propos de la démocratie. Cette idéologie était déjà vantée aux enfants par la télévision quand
j’étais enfant. Je me rappelle l’énorme succès d’un dessin animé télévisé en 1974 appelé « Libres d’être toi et moi » qui nous apprenait, à travers une série de sketches
animés mignons, racontés par les icônes de la gauche des années 1970, Marlo Thomas et Alan Aida, que c’était mal d’accepter comme allant de soi, ou d’adopter, les rôles traditionnels
des sexes. L’idéologie du genre pour les maternelles.
Pour ceux qui essaient de la mettre concrètement en pratique, cependant, il devient
vite évident que les êtres humains ne sont tout simplement pas faits pour fonctionner de cette manière, et que le fait de baser la culture tout entière sur cette proposition, comme nous
le faisons depuis les années 1960, entraînera un état maussade de chaos émotionnel et social, une misère, une solitude, une pauvreté et un égoïsme tels que le monde n’en avait jamais
vus.
Le problème principal de la version homosexualiste du rêve marxiste est qu’il faut
obtenir que tout le monde soit d’accord. Et je dis bien : tout le monde. Les théoriciens marxistes ont toujours su
qu’une utopie ne fonctionne vraiment que si personne n’a le droit d’avancer une quelconque objection. Tout le monde doit être d’accord, aucune dissension ne peut être tolérée au risque
de faire éclater la logique en bulle de savon de l’entreprise.
La première voix à faire taire, et de manière agressive, est donc, comme toujours,
l’Eglise qui propose quelque chose de considérablement plus riche et (oups) fertile pour la destinée de l’homme que ce matérialisme et ce sensualisme faciles. Cette Eglise qui a, en
outre une connaissance bien plus complète de la nature humaine, et qui sait que la licence absolue n’est en rien une recette de bonheur humain… loin s’en faut.
Hilary White