Mohamed Merah show, combien de saisons ?
Chronique hebdomadaire de Philippe Randa
Seront-elles diffusées ou pas ? Toute la presse ne parle que de ça et c’est bien normal : les scènes de tueries de Toulouse et de Montauban tournées avec une minicaméra sanglée sur son torse par le franco-algérien Mohamed Merah sont le point d’orgue de ce fait-divers aussi minable qu’abominable, dont l’instrumentalisation quotidienne trouvera tout naturellement son point d’orgue dans la diffusion des tueries en live. Si ce ne peut être en prime time …
La chaîne Qatarienne Al-Jazeera ne diffusera pas les vidéos de Merah, assure-t-elle… La Belle affaire ! Cette pudeur, saluée par le président Sarkozy qui menace à son tour que « si (cette décision) devait être détournée par des télévisions appartenant ou proches d'organisations propageant des idées terroristes, nous n'hésiterions pas à faire ce qu'il faut pour empêcher la diffusion du signal. »
À faire quoi ? Ce n’est évidemment pas dit et pour cause ! Car si les vidéos de l’apprenti-cinéaste sont tôt ou tard disponibles sur internet, on ne voit pas très bien comment on pourra empêcher leur accessibilité… À moins de déclencher un « plan orsec de la Toile » comme l’avait fait les États-Unis d’Amérique pour contrer la diffusion de leurs secrets militaires par le site WikiLeaks, lequel a du suspendre ses activités éditoriales en octobre 2011 pour mobiliser toutes ses ressources contre un blocus financier qui l’avait privé, selon son fondateur, de 95 % de ses revenus !
Ni l’enjeu, ni les moyens de Super-Sarko, n’en déplaise à l’intéressé, ne permettent d’envisager une telle hypothèse. Mais l’effet d’annonce ne mange pas de pain et l’intéressé en question en use et abuse comme à son habitude.
Quant au « signal » dénoncé, on se demande bien lequel et à l’intention de qui ? Des islamistes du Monde entier qui auraient ainsi besoin de telles images pour être motivé ? « Flinguer » des militaires en civils et « dégommer » des enfants dans une cour d’école ? On a tout de même peine à le croire…
La diffusion de ces vidéos serait effectivement du plus mauvais goût, mais c’est tout de même ceux qui s’en repaîtraient qui seraient les plus condamnables, démontrant ainsi une perversité peu ragoûtante ou une inconscience qui ferait froid dans le dos… Ils prouveraient par là même qu’ils ne font plus aucune différence entre les séries de fiction policières et la réalité. Si c’est le cas, évidemment…
Mais de là à faire naître des vocations, la diffusion d’un film de déséquilibré y contribuera sans doute moins, beaucoup moins, que le matraquage médiatique qu’il a généré.
Que l’on veuille à tout prix nous persuader que Mohamed Merah n’est pas un simple dinguo isolé dont le passage à l’acte criminel n’a été manipulé par aucune organisation terroriste est une chose qui alimente sans doute fort opportunément les fantasmes des islamophobes obsessionnels, permet aux auto-proclamés représentants de la communauté juive de revenir, une fois de plus, sous les feux de la rampe émotionnels qu’ils savent si bien instrumentaliser, au président-candidat et à son équipe de campagne de détourner l’attention de l’électeur d’une précarité économique chaque jour plus visible, à ses rivaux à l’élection présidentielle de s’injurier copieusement les uns les autres et à l’ensemble des médias de palier depuis dix jours avec la montée en épingle de cette dérive sanglante dans le sud-ouest français, le vide abyssal d’une campagne électorale dépourvue du moindre intérêt, soit !
Mais que l’on soit dupe de cette manipulation-là, bien réelle, laisse songeur…
Enfin, une nouvelle saison du serial sexuel Dominique Strauss-Kahn débute. Moins sanglante, pas forcément plus captivante. Attendons de voir ce qu’en dira l’audimat, n’est-ce pas ?
© Philippe Randa est écrivain, chroniqueur politique et éditeur (www.francephi.com). Ses chroniques sont libres de reproduction à la
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